
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce vingt et unième psycho mail ! Après une longue pause de la newsletter, me revoillà !
Il m’est arrivé plusieurs fois de recevoir en consultation des personnes convaincues d’avoir un TOC… alors qu’il s’agissait en réalité d’un trouble anxieux généralisé (TAG).
Et l’inverse aussi : certains patients pensaient « juste » s’inquiéter un peu trop, avant de découvrir qu’ils souffraient en fait d’un TOC.
C’est pour éclaircir cette frontière parfois floue entre TOC et TAG que j’ai eu envie d’écrire cette newsletter. Car même si ces deux troubles sont distincts, ils partagent de nombreuses similitudes, ce qui peut rendre leur différenciation difficile – pour les patients comme pour les cliniciens.
Quand les pensées tournent en boucle
Le TAG et le TOC ont un point commun central : la présence de pensées répétitives, envahissantes, difficiles à contrôler, qui génèrent une forte anxiété.
Par exemple, cette étude a montré que chez les enfants comme chez les adultes, les obsessions et les inquiétudes sont perçues comme intrusives, incontrôlables, et provoquent une détresse marquée.
Ce qui change, c’est surtout la forme que prennent ces pensées
Quand on s’attarde sur le contenu des pensées, on constate que les inquiétudes du TAG portent souvent sur des sujets quotidiens, réalistes et concrets (réussir à l’école, la santé d’un proche, les finances familiales…).
À l’inverse, les pensées obsessionnelles dans le TOC sont plus souvent étranges, choquantes ou absurdes (peur d’écraser quelqu’un sans s’en rendre compte, d’avoir commis un acte immoral, etc.).
Mais attention : cette distinction n’est pas toujours fiable. Une pensée liée à la santé, par exemple, peut être présente dans le TAG comme dans le TOC. C’est ce qu’a montré une étude transdiagnostique, en soulignant que ce n’est pas le thème de la pensée qui compte, mais la manière dont elle est vécue et gérée.
Ce qui fait aussi la différence, c’est la façon dont on les ressent
Du côté des émotions, cette étude a avancé le fait que les pensées du TOC sont souvent vécues comme dérangeantes, honteuses, en désaccord avec soi-même (on parle d’ego-dystonie). Les personnes ont tendance à se sentir coupables d’avoir ce genre de pensées, à vouloir s’en débarrasser à tout prix.
Dans le TAG, les inquiétudes sont perçues comme normales voire utiles, même quand elles deviennent très envahissantes. Elles donnent souvent l’impression de se protéger ou de se préparer au pire.
Cette revue souligne d’ailleurs que certains enfants avec un TAG peuvent se sentir très contrariés si on essaie de les empêcher de s’inquiéter, car ils pensent que cette inquiétude les aide à éviter les problèmes.
Et puis, il y a ce que l’on fait pour calmer ces pensées
Une autre différence tient aux réactions que ces pensées entraînent. Dans le TOC, on retrouve des compulsions, c’est-à -dire des comportements ou des rituels mentaux faits pour apaiser l’angoisse (vérifier, se répéter une phrase, prier, etc.).
Dans le TAG, il n’y a pas toujours de comportements visibles, mais on observe parfois des stratégies mentales très proches : ruminations, scénarios mentaux, demandes répétées de réassurance, etc.
Une étude intéressante rapproche même l’inquiétude pathologique de compulsions mentales : elle serait une forme de rituel pour éviter l’incertitude ou se rassurer. Dans ce cas, ce n’est plus simplement une pensée : c’est une action mentale, répétée, qui vise à se calmer.
Ce que les études nous disent sur ce lien étroit
Plusieurs travaux ont cherché à identifier les mécanismes communs entre TOC et TAG.
Une étude majeure a mis en évidence que certains processus cognitifs comme l’intolérance à l’incertitude, le perfectionnisme et la surestimation de la menace étaient présents dans les deux troubles. L’intolérance à l’incertitude, en particulier, était le facteur le plus fortement associé aux symptômes du TOC et du TAG.
Une autre étude est allée dans le même sens : elle montre que les personnes souffrant de TOC ou de TAG ont souvent beaucoup de mal à tolérer de ne pas savoir, à gérer le doute, ce qui entretient leurs pensées anxieuses.
Comment y voir plus clair ?
Voici quelques repères simples :

Mais dans la réalité, les choses sont souvent moins tranchées. Certaines personnes n’ont pas de compulsions visibles, ou développent des rituels mentaux dans le cadre d’un TAG. Ce flou est normal, et seul un·e professionnel·le formé·e peut poser un diagnostic clair.
Et en pratique, qu’est-ce que ça change ?
Avec tout ce que la recherche a mis en lumière, notamment sur l’intolérance à l’incertitude, j’ai la conviction que certaines techniques du traitement du TOC peuvent aussi bénéficier aux personnes ayant un TAG.
Par exemple, l’exposition avec prévention de la réponse (EPR) – une méthode centrale dans la prise en charge du TOC – fonctionne aussi avec plusieurs de mes patients souffrant de TAG. L’objectif est d’apprendre à tolérer l’incertitude sans chercher à l’apaiser par des ruminations, de la préparation mentale ou de la réassurance.
Je pense que l’EPR a un vrai potentiel transdiagnostique, et je l’utilise de plus en plus quand je sens que c’est le rapport au doute qui pose problème, bien plus que le contenu des pensées.
Si vous vous reconnaissez dans certains de ces exemples mais que vous ne savez pas « où vous situer », rassurez-vous : ce flou est fréquent, et il existe des outils concrets et efficaces, quel que soit le nom qu’on met sur vos pensées.
Â
Prenez soin de vous !