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Cultivons notre dépendance affective (saine) !

Nous connaissons tous la dépendance affective pathologique. Ce besoin excessif, limite obsessionnel d’approbation, de réassurance et de soutien des autres qui vient traduire une profonde mauvaise estime et un grand manque de confiance en soi est un concept très souvent rencontré ces dernières années.
Mais saviez-vous qu’il existe une dépendance affective saine ? Aussi appelée interdépendance

Selon le Docteur Christophe André, l’interdépendance désigne « la somme de tous les liens de dépendances croisées existant entre les humains ». En d’autres termes, ce concept nous rappelle que nous sommes tous mutuellement dépendants les uns des autres, que nos liens sont tous à double sens. Ce qui est contraire aux concepts d’indépendance et de dépendance qui, eux, ne seraient qu’à sens unique.  

« L’homme est un animal social » Aristote

Nous pouvons dire que l’être humain est en quelques sortes configuré pour vivre en communauté. De nombreuses études ont démontré l’importance d’une vie sociale de qualité pour notre épanouissement psychologique. Parmi elles, certaines ont démontré que les comportements altruistes viennent activer notre système de récompense, en nous faisant ressentir des émotions positives (comme le plaisir ou la satisfaction par exemple). A l’inverse, les comportements qualifiés d’égoistes entraînent plutôt des émotions désagréables (comme la culpabilité ou la honte). 
En outre, plusieurs études ont démontré que le rejet social entraine en nous un niveau de stress important biologiquement mesurable. Et cette augmentation du niveau de stress entraine à son tour une dégradation de notre estime de soi et de notre capacité à nous maitriser

Ces études suggèrent également que c’est l’ocytocine, un neurotransmetteur entrainant des comportements d’affiliation et d’interaction avec les pairs et libéré lorsque le besoin affectif s’exprime, qui viendrait en quelques sortes confirmer que notre cerveau est configuré pour l’interdépendance.  
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Le lien social est donc une chose extrêmement importante pour notre santé psychique … mais également physique. Une étude de l’école de santé publique de Harvard a suivi 7000 personnes âgées pendant neuf ans et s’est rendu compte que celles qui avaient peu de relations sociales risquaient trois fois plus de mourir pendant la durée de l’étude que les autres. Cette étude a d’ailleurs démontré que toute forme de lien pouvait être protecteur. Les personnes impliquées dans des associations avaient moins de risque de mortalité même s’ils vivaient seuls et de même pour les personnes vivant en couple mais n’étant pas impliquées dans une vie associative. 
D’ailleurs, ces résultats se retrouvent également chez les adolescents ! Des chercheurs américains ont suivi plus de 12.000 adolescents pendant cinq ans et ont découvert que les adolescents avaient moins tendance à se sentir déprimé ou anxieux ou à avoir des idées suicidaires avec des relations interpersonnelles de qualité. D’ailleurs, l’étude a montré qu’ils souffraient moins d’addictions à des substances licites (alcool) ou illicites (marijuana). 
 

De plus, il a été démontré que les contacts physiques tels que se prendre la main ou se serrer dans les bras, exerçaient un effet antidouleur. Une étude Israëlienne l’a découvert en ayant appliqué de petites brûlures à des personnes dont certaines tenaient la main de leur conjoint. Ces dernières avaient exprimé une douleur moins importante lors de la brûlure que celles qui n’avaient pas eu de contact physique. Plus précisément, il semblerait que le contact physique réduise le stress lié à la douleur grâce à une synchronisation physiologique entre les deux partenaires : les pulsations cardiaques et la respiration de la personne subissant les brûlures étaient apaisés par les rythmes cardiaques et respiratoires plus lents du partenaire.  
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D’un point de vue psychologique, les bénéfices se trouvent à différents niveaux. Premièrement, et nous en avons déjà parlé plus haut dans cet article, avoir des relations sociales de bonne qualité est important pour notre maitrise de soi. Une étude américaine a démontré que le fonctionnement des fonctions cérébrales impliquées dans le contrôle des impulsions est moins efficace chez les personnes qui se sent isolées. Elles ont d’ailleurs plus de risque de souffrir d’addictions. 
 
Le lien social est également important lorsque nous traversons des épreuves difficiles. Dans ces moments-là, nos proches peuvent nous aider à mobiliser nos ressources, peuvent nous apporter des ressources complémentaires et nous aider à interpréter les situations d’une autre façon

D’ailleurs, plusieurs études ont démontré que la difficulté perçue d’une épreuve était jugée moins importante si les participants étaient simplement accompagnés d’un ami.  
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Mais la présence de nos proches peut également nous aider à profiter davantage des évènements heureux. Une étude allemande l’a d’ailleurs découvert en faisant visionner des images à valence émotionnelle positive à des personnes qui étaient venues avec un ami. Les expérimentateurs ont fait croire à une partie d’entre elles que leur ami regardait en même temps ces images dans une autre pièce. Les résultats de l’étude ont montré que les participants à qui on avait fait croire que leur ami regardait les mêmes images qu’eux se sentaient plus heureux après le visionnage que les participants qui pensaient regarder les images seul. 
 

Nous voyons donc que la présence de nos proches influence les expériences que nous vivons, que ce soit l’atténuation des évènements négatifs ou alors le renforcement des évènements positifs.  
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Au vu de toutes ces données, ne pourrions-nous pas nous demander s’il n’y aurait pas de nombreux avantages à quelque peu modifier notre société actuelle ? 

 

En effet, nous aurions tout à gagner à prôner des valeurs allant dans le sens de l’interdépendance
Par exemple à un niveau éducatif, des études ont montré que l’encouragement de la collaboration à l’école plutôt que la compétition bénéficie à tous les élèves, aussi bien d’un point de vue académique qu’émotionnel
 
Aussi, à un niveau psychothérapeutique et notamment au niveau de l’estime de soi, la prise en compte des bénéfices de l’interdépendance vient influencer les prises en charge. Pendant de nombreuses années, les thérapies visant l’amélioration de l’estime de soi promouvaient le développement de compétences individuelles et du sentiment de valeur personnelle. Or aujourd’hui, avec les avancées scientifiques en la matière, on s’attache de plus en plus à développer l’acceptation, voir le développement de l’interdépendance, en faisant prendre conscience aux personnes de leurs forces et de leurs faiblesses, en leur apprenant que demander de l’aide sans honte ni culpabilité les rendra beaucoup plus efficace et épanoui plutôt que le fait de ne vouloir se débrouiller que par eux-même. 
 

Aujourd’hui, la clé de l’épanouissement personnel et d’une bonne estime de soi réside dans l’interdépendance, avec la conscience apaisée de ses limites et la demande d’aide plutôt que la dissimulation de ses failles.  
 
Tiré du magasine Cerveau & Psycho n°125